Direction : Claudine Perez-Diaz
Exposé des motifs
Les toxicomanies, licites ou non, touchent de larges fractions de la société. Ainsi, nous savons d’une part, que 10 % de la population a une consommation « excessive » d’alcool ; de l’autre, que 13 % des patients hospitalisés sont aussi des malades de l’alcool. Pour les drogues illicites, le cannabis a déjà été expérimenté avant 17 ans par près de la moitié des Français et 19% des garçons de 17 ans en consomment régulièrement.
Ces conduites et leurs prises en charge se situent au carrefour de nombreux problèmes scientifiques et épistémologiques. D’abord, les consommations de produits psychoactifs (alcool, médicaments, drogues, etc.) sont associées à d’autres comportements : agressivité, troubles mentaux, recherche de sensations, etc.. Ensuite, en dépit de leur diversité, tous ces comportements sont regroupés en « conduites à risques » par divers acteurs parce qu’elles sont censées mettre en danger leur auteur et pour certaines menacer autrui. L’évolution des connaissances a fait passer les produits au second plan du fait d’un brouillage des frontières entre classes de psychotropes. En effet, les distinctions entre produits licites et illicites n’ont aucune base biologique. De plus, ces produits remplissent des fonctions psychologiques et sociales interchangeables : des médicaments sont utilisés pour « se droguer », des produits illicites pour une auto-thérapie. Le dopage constitue une nouvelle figure de ces usages qui participent au déplacement des frontières entre normes et déviances. Dans les conceptions et les pratiques actuelles, les comportements l’emportent sur les produits, d’une part ; de l’autre, la gestion des risques domine le contrôle des déviances.
Ces évolutions entraînent un changement d’échelle des publics potentiels. Les conduites à risques et les dépendances concernent la population générale, alors que la « toxicomanie » désignait des comportements à la marge. La notion d’addiction est étendue des consommations à des pratiques sociales comme le jeu, l’anorexie, la boulimie, etc. En parallèle, face à la montée du sida, des dispositifs sanitaires de réduction des risques ont été adoptés tels des programmes d’échange de seringues, des programmes de substitution, des services à « bas-seuil », etc. La répression en matière d’alcool au volant est étendue et aggravée. La justice accroît ses recours à des mesures alternatives bien que dans les contentieux liés aux stupéfiants (usages et surtout trafics) les logiques lourdes du pénal demeurent prééminentes.
En conséquence, nous privilégions trois grands thèmes de recherche : les conduites à risques et trajectoires de populations mal connues ; les prises en charge et leurs effets ; les politiques publiques et leurs acteurs en matière de risques, de santé et de délinquance.